L’accord interinstitutionnel « mieux légiférer » : vers une simplification et une plus grande transparence des actes délégués ?

Le 13 avril dernier, la Commission, le Conseil et le Parlement ont signé l’accord interinstitutionnel « mieux légiférer ». Cet accord vient concrétiser la stratégie de la Commission en faveur du « mieux légiférer », présentée le 19 mai 2015 par Franz Timmermans, vice-président de la Commission et visant à améliorer la qualité des normes produites au niveau européen.

L’accord interinstitutionnel a notamment l’ambition de réviser la manière dont les institutions conçoivent les actes délégués. Ces actes sont des actes généraux utilisés pour compléter ou modifier des éléments non essentiels d’un acte législatif. Ils ne sont pas de nature législative, puisqu’ils sont non seulement proposés, mais aussi adoptés par la Commission. Comme son nom l’indique, l’acte délégué repose donc sur une délégation de pouvoir concédée par le Parlement et le Conseil à la Commission. Puisqu’il s’agit d’une habilitation à exercer un pouvoir, les deux co-législateurs (le Parlement et le Conseil) doivent pouvoir contrôler a posteriori de l’adoption de l’acte délégué la bonne exécution de son mandat par la Commission. Ils disposent donc de la faculté d’opposer un veto à l’adoption de l’acte délégué par la Commission, ou de révoquer le mandat de cette dernière.

Ce système issu du Traité de Lisbonne était jusqu’à présent considérablement complexifié par la réminiscence d’une exception d’ordre temporel : le processus d’adoption des actes délégués exposé ci-avant ne porte pas sur les mandats établis avant l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne. Pour ces actes, le texte fait d’abord l’objet d’un avis par un comité de comitologie, composé d’un représentant par Etat membre, avant que le Conseil et le Parlement n’aient possibilité d’exprimer leur veto.

La complexité du système vient favoriser son opacité, puisque dans tous les cas ces actes sont le résultat d’une procédure interne à la Commission. Or cette opacité est paradoxale, puisque ce sont ces actes de nature spécifique qui vont affecter les opérateurs économiques, en permettant la mise en œuvre de la législation européenne. Dès lors, il n’est pas étonnant de constater qu’ils représentent, avec les actes d’exécution, plus de 95% de la production normative de l’UE.

L’accord interinstitutionnel tente de corriger ces problèmes de complexité et d’opacité. D’abord, l’ancien système devrait définitivement laisser le pas au système post-Lisbonne. Un tel alignement avait eu lieu au 1er mars 2011 pour les actes d’exécution. Il s’agit donc d’une avancée logique et d’une simplification qui doit être saluée. Toutefois, l’obligation formulée dans l’accord n’est qu’une obligation de moyen et non de résultat : les institutions ne sont en aucuns cas tenues de procéder à l’alignement.

Parallèlement, le processus décisionnel devrait également être rendu plus transparent, par un recours plus systématique aux études d’impact et aux consultations publiques. Celles-ci sont nécessaires pour la production d’une norme calibrée, réaliste et proportionnée, venant véritablement harmoniser plutôt qu’alourdir la mosaïque des 28 systèmes juridiques. L’accord interinstitutionnel prévoit également la mise en place d’ici la fin 2017 d’un registre des actes délégués, devant informer sur leur planification. Enfin, une annexe à l’accord établit des clauses types de délégation.

Malgré tout, l’ambition de l’accord interinstitutionnel demeure limitée, puisqu’il ne fait en lui même que réaffirmer ou renforcer des pratiques déjà existantes. Tout comme les réformes engagées en 2003 pour améliorer la qualité des normes européennes, l’avenir de cet accord dépendra finalement de la bonne volonté politique des institutions du triangle institutionnel de l’UE. Ce n’est qu’en dépassant les luttes de pouvoir qui peuvent les opposer qu’elles parviendront à renforcer la prévisibilité et la transparence du processus décisionnel de l’UE. Or, accroître la transparence et la prévisibilité du système, c’est favoriser l’élaboration de l’environnement stable dont les opérateurs économiques ont besoin pour prospérer. C’est également conférer une plus grande légitimité à l’action communautaire aux yeux des citoyens européens, caractéristique que l’UE ne parvient que difficilement à emporter en ces temps de crise de l’identité européenne.

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