Démocratisation ou stabilité, quelle politique extérieure de l’UE ?

La promotion des valeurs démocratiques est la priorité principale de l’Union européenne (UE) dans son action extérieure. Dans l’article 21 du Traité sur l’Union Européenne (TEU) il est clairement indiqué que : « L’action de l’Union sur la scène internationale repose sur (…): la démocratie, l’État de droit, l’universalité et l’indivisibilité des droits de l’homme et des libertés fondamentales, le respect de la dignité humaine, les principes d’égalité et de solidarité et le respect des principes de la charte des Nations unies et du droit international ».

En même temps, l’une des raisons d’être même de l’UE est de garantir la stabilité et la sécurité des citoyens européens d’abord à travers la pacification des relations intereuropéennes, et plus tardivement à travers la mise en place d’un « ring of friends » qui s’étend des frontières terrestres à l’Est aux pays méridionaux au Sud. Ainsi, la nouvelle version de la Politique Européenne de Voisinage (PEV) qui a été dévoilée le 18 décembre 2015 met l’accent sur la stabilisation du voisinage comme première priorité.

D’ailleurs, le Commissaire chargé de la politique européenne de voisinage et des négociations d’élargissement, M. Johannes Hahn, en s’exprimant à l’occasion de la présentation de la nouvelle PEV, l’a résumé en une phrase : « Notre défi le plus urgent est la stabilisation de notre voisinage ».

Maintenant, comment est-ce que l’Union européenne est supposée agir ? Est-ce en fonction de ses valeurs inclues dans les Traités, ou bien en fonction des besoins en termes de sécurité ? Est-ce que l’UE doit continuer à collaborer avec les régimes autoritaires (pour plus de stabilisation) ? Ou bien est-elle censée imposer davantage de pression et de conditionnalité (pour plus de démocratisation) ?

Pour aborder cette problématique il faut en revenir aux sources et la situer dans le contexte géopolitique et économique actuel. Qu’est ce qui a engendré les flux de migrants et de réfugiés, l’extrémisme religieux, le terrorisme et l’instabilité ? D’un côté les années successives de guerres civiles et guerres par procuration en Syrie et en Irak, et de l’autre côté la situation économique morose qui engendre la pauvreté et le chômage en Afrique du Nord.

En d’autres mots, tant que la guerre continue à faire rage en Syrie et que les problèmes socioéconomiques empoisonnent le quotidien des populations de la région, il ne faut pas s’attendre à une amélioration quelconque dans un futur proche.

En effet, devant la première crise de réfugiés de grande envergure qui l’a affectée, l’Europe n’arrive pas à incarner pleinement les valeurs qu’elle veut véhiculer. Certains pays membres refusent catégoriquement d’accueillir des réfugiés, d’autres veulent distinguer entre réfugiés musulmans et chrétiens, d’autres pays ferment leurs frontières, et d’autres encore se contentent de jouer le rôle de spectateurs. Parler de valeurs universelles indivisibles et de  respect des droits de l’Homme dans des pays tiers dans ces circonstances serait une aberration.

Le vrai capital de l’UE c’est sa légitimité qu’elle tire de son histoire, de son modèle politique et son approche humaine. Perdre cette légitimité lui fera subir un grand dommage en termes d’image et de crédibilité. Ceci diminuera sa capacité d’influence et d’action et permettra aux régimes autoritaires de mettre en cause le modèle démocratique en instrumentalisant les contradictions existant entre les valeurs affichées et les actions menées par les pays européens.

Dans ce sens, ce qui est prioritaire pour l’Europe, aujourd’hui plus que jamais, est de se réconcilier avec elle-même et de se réapproprier ses valeurs. Sans cela il serait difficile pour elle d’avoir une politique de stabilisation ou de démocratisation efficace.

Retournons à notre question de départ concernant la stabilisation et la démocratisation. Une fois l’Europe redevenue une communauté qui porte et promeut aussi bien au niveau interne qu’externe « les valeurs indivisibles et universelles de dignité humaine, de liberté, d’égalité et de solidarité », elle pourra alors s’atteler à la tâche en menant de manière simultanée les deux politiques – stabilisation et démocratisation – tout en prenant en considération les spécificités de chaque pays.

En somme, s’il est inéluctable de collaborer avec les régimes déjà en place en matière de modernisation, d’amélioration des conditions économiques et de renforcement des institutions étatiques, il n’en demeure pas moins que la coopération avec le tissu associatif et les différents acteurs locaux constitue un élément clef dans la promotion des valeurs tels que la démocratie, la liberté d’expression, les droits de l’homme, et la pluralité politique.

Aujourd’hui, devant le sérieux de la situation, l’Union européenne doit faire preuve d’une volonté politique réelle accompagnée de mesures fortes et tangibles vis-à-vis de son voisinage.

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